ISLAM : DIFFERENCES ET CONVERGENCES (suite VI)

Nous poursuivons la reprise des commentaires sur l’islam de Claude Henrion sur son blog, intitulé “Comprendre demain” sur Tumblr.

Kobané se meurt… Ces seuls mots demandent une prière intense, en pensant à des populations martyrisées… Au delà de l’horreur, quels remèdes trouver pour une maladie (”une situation”, disent  ceux qui continuent à privilégier ”le poids des mots par rapport au choc des photos ”) dont il serait interdit de parler en des termes autres que ceux (faux et mensongers) officiellement utilisés par des faiseurs d’opinion qui ont un manque total d’objectivité devant cet Islam dont toutes les composantes frappent à notre porte… qu’elles voudraient bien forcer une fois pour toutes. Est-il encore temps d’essayer une autre approche, de reprendre à zéro ?

 L’islam se dit et se veut provenir directement de la Parole Céleste, sans intercession, ce qui supprime toute possibilité théorique d’intermédiation et se satisfait donc de l’absence de toute autorité centralisée d’essence humaine. Cette absence va paradoxalement rendre impossible toute évolution : aucune autorité pour réprouver une interprétation ”erronée”, et par conséquent, aucune autorité non plus pour décider qu’une évolution serait ”conforme” ! Nous nous trouvons ici en présence d’un phénomène sémantique étrange : au nom de l’interdiction de commenter la parole d’Allah, tous les commentaires et toutes les interprétations sont permises, pourvu qu’ils aillent dans le sens d’une maximisation unidirectionnelle vers l’intolérance et l’intégrisme, sauf de rares cas où toute limite tolérable ayant été dépassée, la religion est obligée de s’effacer devant la simple humanité… Nous l’avons vérifié il y a peu de temps, à propos d’actes odieux commis ”Not in my name”… (= pas en mon nom.. Mais alors, au nom de qui ?).

 Bien évidemment, les lois comportementales qui régissent tous les groupes humains vont s’appliquer à tous ces fidèles, même s’ils s’en défendent : la nature ayant horreur du vide, l’absence d’autorité officielle formelle génère aussitôt un certain nombre d’autorités officieuses parallèles qui ne peuvent qu’entraîner une prolifération d’idées fusant tous azimuts. C’est l’organisation systématique d’une l’absence de système qui devient système, si on me permet cette formulation : cette règle bien connue, développement inévitable, remet toute possibilité d’évolution entre les mains de qui est assez structuré ou audacieux pour imposer sa loi.

 La loi islamique, parole d’Allah dans le Coran est donc la référence unique et universelle. Même amendée et expliquée par les hadiths (officiellement paroles du Prophète Mahomet –en fait provenant souvent d’autres sources), elle est réputée unique et intangible, bien qu’elle soit, dans la réalité, largement interprétée, notamment par des ”docteurs de la Loi”, les oulémas. Elle touche à tous les aspects de la vie,  des grands aux plus petits détails de la vie quotidienne. Par exemple, meurtre, vol ou adultère sont passibles de peines préétablies, de même que sont prévus le statut de la femme et des enfants, le traitement légal du mariage, du remariage, de l’héritage,  du prêt d’argent (le prêt à intérêt est en principe interdit) comme le sont aussi les règles régissant la prière, la charité… ou les traitements codifiés mais peu enviables réservés aux infidèles, aux renégats, aux apostats.

 Tout un système de fiqhs, de qadis, de muftis et d’imams, autant hommes de loi qu’hommes de foi, est là pour résoudre les litiges éventuels, en sachant que, contrairement à l’Alim (le singulier du pluriel Ouléma, plus connu), l’imam n’est pas un prêtre mais un ”membre qualifié” (?) de la communauté qui conduit la prière. Les muezzins, qui grimpaient plusieurs fois par jour en haut des minarets pour l’Adhan (l’appel à la prière) et ont été peu à peu remplacés par de puissants muezzins électroniques bien plus sonores mais bien moins sympathiques, n’étaient pas non plus des prêtres au sens où peuvent l’être les Mollahs Chi’ites. Car un dernier point rend un peu plus opaque ce qui l’est déjà à peu près totalement aux yeux d’Occidentaux : tout ce qui précède ne s’applique qu’aux seuls croyants de confession Sunnite, mais ne s’applique pas du tout aux Chi’ites qui ont toute une hiérarchie de clergés allant des mollahs aux imams (marjaa-e taqlid, réputés descendants du Prophète), hodjatoleslam et sayyed… dans un grand déploiement de robes et de turbans de couleurs variées mais très convenues, et dans un frissonnement plus grand encore de barbes beaucoup plus anarchiques…

 Un point particulier mérite l’attention : un critère spécifique d’universalité singularise cette religion, face aux autres monothéismes et à tous les autres systèmes d’organisation sociale : la langue arabe est déclarée ”langage de Dieu”, celle qui aurait été parlée ( sic ! ) par Adam, Abraham et Jésus. Nous ne sommes donc plus devant une ”religion”, mais devant un ”système holiste”, ensemble considéré comme sacré qui est fait de ”religion + langue + système politique”, ce qui est unique et s’oppose donc frontalement à toute autre vision du monde..

 Les disputes médiatisées entre ceux pour qui l’Islam est soluble dans la démocratie et ceux qui tiennent d’un avis opposé sont donc totalement hors sujet. On peut tout au plus remarquer que si la réponse avait été ”oui”, cela se serait su, et il y aurait au moins un seul pays arabe (ou musulman) où un régime démocratique sans bémols serait devenu un modèle à suivre. Seule, la Turquie de Mustapha Kémal a essayé… et elle est revenue à un radicalisme qui s’accentue chaque jour davantage. Le problème posé se situe bien en dehors de cette problématique, et c’est le mot ”confrontations” qui semble devoir s’imposer, hélas !

( A suivre …).

Cet article est dans la catégorie 2 La littérature s'interroge, Lettropolis transmet mot(s) clef(s) , , , . Signet permalien.

Un commentaire pour ISLAM : DIFFERENCES ET CONVERGENCES (suite VI)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.