CONTRERIMES ET COUNTER-RHYMES

Il y a peu (rien sous l’éternité) et longtemps (au regard de notre civilisation « flashante et flashy ») j’écrivis un billet sur ce blog. Il y était question de Toulet, de ses Contrerimes, et principalement des Alyscamps ou Aliscams. Un lecteur m’amenait à réfléchir sur l’orthographe du mot. Discussion alambiquée diront certains. Peut-être, au sens figuré, mais certainement pas au sens propre. Si ivresse il y eut, en cette matière, elle ne tint qu’à l’enchantement du lieu et du poème ; et l’esprit qui nous fut distillé, vint de la poésie rencontrant l’étymologie et les variantes, tournures, sœurs et cousines de la langue française.

Voguant sur Internet, notre article a rencontré un autre amoureux de ces fantaisies (aucune ironie, bien au contraire). Il s’agit de Niall O’Neill. Nom et prénom laissent à penser que son accent d’origine a peu de chance d’être arlésien. Encore que… N’importe ! L’essentiel est qu’il nous offre son amour manifeste de la langue française, au point de traduire en anglais les poètes fantaisistes, dont Toulet, et de nous en faire partager les difficultés, les jeux, les joies délicates… et, de temps à autre, le casse-tête… chinois.

Vous en voulez la preuve ?

Voici, en copie – et avec l’aimable autorisation de l’auteur – un petit délice franco-anglo-chinois de Niall O’Neill, alias Oldenbroke, d’après « Fô a dit » de Paul-Jean Toulet.

« Ce tapis que nous tissons comme
Le ver dans son linceul
Dont on ne voit que l’envers seul :
C’ est le destin de l’ homme.

Mais peut-être qu’à d’autres yeux,
L’autre côté déploie
Le rêve, et les fleurs, et la joie
D’un dessin merveilleux. »

Tel Fô, que l’ or noir des tisanes
Enivre, ou bien ses vers,
Chante, et s’ en va tout de travers
Entre deux courtisanes.

“This tapestry we plot
like a worm in his pall
we may never see all:
that is man’s lot.”

“Mayhap for another eye
the obverse may show
the dream, and the flowers, and the glow
of a marvellous design.”

Thus Fô, whom the dark, gold tisanes
(or his poems), inebriate,
singing, leaves in a state,
between two courtesans.

Et en prime, les explications d’Oldenbroke :

This poem introduces for the first time a Chinese element to the Contrerimes. The poet Fô, of Toulet’s invention, clearly has deliberate echos of the famous Li Po. Fô is the name of a poet, lover of Doliah, wife of the mandarin Jean Chicaille, who appeared for the first time in Les Ombres Chinoises, reprised in Comme une fantaisie. There will be more Chinoiserie later on, as we will see. Fô is speaking in verses one and two.Toulet loved puns, faire les calembours, so the opportunity to use the word for worm le ver and for verses ses vers is seized upon gleefully. Le ver dans son linceul is of course the Chinese silkworm, le ver à soie. Tirer les vers du nez à quelqu’un is to worm something out of somebody – in my case it’s to drag a translation out of my brain. L’or noir des tisanes refers to les tisanes opiacées – opium, to which Toulet was hopelessly addicted.

Je ne traduis pas les explications précédentes qui me semblent aller de soi pour quiconque est intéressé par une version bilingue de Toulet.

Après vous avoir alléchés avec ce dit de Fô… et d’Oldenbroke, je vous donnerai dans un autre article d’autres exemples et liens des talents d’Oldenbroke. L’illustration peut vous aider.

Cet article est dans la catégorie 2 La littérature s'interroge, Lettropolis transmet. Disponible sous permalien.

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