
Associée – je devrais dire acoquinée – à la réforme de l’orthographe, est la féminisation des titres. C’est le cheval – pardon… la jument – de bataille de quelques sexo-féministes et autres illitéraires de profession : écrivaines (très vaines), docteures (si peu doctes), professeures (à rétro fesser) et autres ambassadeures (sado-misandres, probablement).
Inutile de continuer la java des délires en « eure » et autres symptômes de féminopathie chronique ou de genro-bellicisme, car la langue française possède l’outillage nécessaire et suffisant pour résoudre les cas de conscience des sexo-maniaques les plus ébouriffés : il s’agit de sa grammaire modulée par son esprit, son esthétique, sa richesse et sa précision.
Première règle simple : les noms en –eur (masculins) ont leur forme féminine en –euse. Les noms en en –teur (masculin) ont leur forme féminine en –trice (aviateur, aviatrice). Le coiffeur et la coiffeuse (si celle-ci n’est pas réduite à un meuble de toilette) peuvent très bien travailler ensemble dans un salon mixte. Mais à l’inverse, le chauffeur qui aurait fait son siège d’une chauffeuse mériterait un procès-verbal.
Eh oui ! Notre langue a ses finesses, ses spécificités. Elle est riche. On peut ainsi jouer avec les mots, sans même avoir à les déformer, trouver des surprises de sens, ou s’en tenir au maniement de la grammaire et de ses exceptions. Car toute règle a ses exceptions… les exceptions qui confirment la règle, selon l’adage bien connu. Ce qui signifie aussi que sans exceptions il n’y a pas de règle. Je dirai même plus (Ah ! Dupond et Dupont… exceptionnels) que sans l’association « règle plus exceptions » il n’y a pas de vie, il n’y a qu’un cafouillage administratif et technocratique, et la mort comme corollaire. Nous y sommes, ou plutôt, ils voudraient que nous nous y enfoncions, que nous en mourions. Mais les amoureux de la langue française ne veulent pas mourir, même si les cadavres non exquis les entourent.
L’entraîneur de sport est devenu un coach, certainement pour éviter qu’une femme, le remplaçant, soit malicieusement qualifiée d’entraîneuse. Ah ! L’abominable plaisanterie sexiste ! Surtout, ah ! la désolante anglomanie des gens qui ne parlent pas anglais et la « moutonnerie panurgienne » des faibles d’esprit et de genre.
Car la langue française a sa solution : la fonction neutre. Oui, cette fonction neutre qui existait en latin. Elle a survécu en anglais, en allemand, en russe, bien différenciée en genre. Mais elle existe aussi en français. Il s’agit bien d’une fonction et non d’un genre grammatical séparé, mais l’esprit y reste. Pour preuve, chantez donc la vieille antienne « Il pleut, il pleut, bergère… ». Qu’est donc ce « il » sinon la fonction neutre sous forme masculine ? Qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige, qu’il grêle, vous employez la fonction neutre dans sa forme masculine sans même vous en rendre compte.
Il suffit de l’appliquer aux titres et fonctions plutôt que de violer la langue française. Le docteur Catherine X… et maître Jacqueline Y…, avocat à la cour, ne vous en accueilleront pas moins bien. C’est en fait ce qu’on leur demande : nous donner leurs avis compétents sans rien renier de leur féminité, mais sans la trompéter à mâle embouchure.
De même, nous apprenions dans les petites classes (et dans un autre monde) à accorder les adjectifs avec les sujets. Ainsi, Jeannette (qui ne pleurait pas) et Pierrot (au clair de lune) étaient heureux (forme masculine) de se voir bien habillés (forme masculine) si la robe, la chemise et le pantalon étaient bien ajustés (forme masculine). Le maître – l’affreux hussard noir « sexiste » de la république – enseignait donc : « le masculin l’emporte sur le féminin ». La formule était simple à retenir, simple à appliquer… mais incomplète. Il aurait fallu dire que l’adjectif devenait neutre (était neutralisé) et que, par convention, il gardait une forme masculine. Mais à huit ans, cela aurait été plus complexe. Aujourd’hui, même au plus haut niveau ministériel, c’est incompréhensible. Il vente trop fort dans les cervelles dégénérées… sans genre, si vous préférez.
Je reviendrai – vous m’accompagnerez, j’espère – pour cueillir quelques fruits grammaticaux de notre belle langue, car les sujets ne sont pas épuisés (ni l’auteur ni le thème).
En attendant, chantez « Il pleut, il pleut bergère… ». Soyez rassurés, la bergère est bien une femme, bien assise en son genre grammatical, et en son sexe dit faible, et « il » n’a rien d’un galopin qui l’arrose. Redisons-le : ce « il » est neutre.
Il pleut, il pleut… sauf si Caradec chante : « Qu’elle est belle ma Bretagne quand elle pleut… »
Mais cela, c’est la licence poétique… l’exception qui confirme la règle, et qui est la vraie vie.