LES ORDURES « ATTAQUENT »

ordures à tana (3)

« Après la pluie, les ordures. La situation de l’hygiène a atteint un record d’insalubrité dans la capitale depuis quelques semaines. Antananarivo se présente dans sa plus mauvaise image avec des montagnes d’ordures qui obstruent les rues. Du jamais vu en 55 ans d’indépendance. Une illustration du recul enregistré depuis 1960 et de l’avancée inexorable de la pauvreté. Les ordures sont le signe extérieur de richesse des pays pauvres. Si seulement on pouvait les exporter vers les États-Unis qui ont une bonne expérience dans leur traitement, à en juger une récente démonstration faite par l’ambassadeur américain, dans le cadre de l’AGOA. C’est certainement la prochaine négociation à faire pour solutionner une bonne fois pour toutes ce problème, faute de capacité de l’État à le résoudre. Les Américains n’ont rien à craindre côté normes car on a à la fois la quantité et la qualité. La réalité montre en outre qu’on ne sera jamais en rupture de stock. Mieux, on est actuellement en surproduction. Étonnant pour un pays pauvre dont 80% de la population ne mangent (sic) qu’une seule fois dans la journée et observent (sic) le carême toute l’année. »

Ce début d’éditorial est signé Sylvain Ranjalahy. Il est paru dans L’Express de Madagascar. L’image de ce quotidien du 21 avril 2015 « marque » déjà assez fort, et, soulignons-le, le titre de l’éditorial est « Puantananarivo ». Antananarivo étant le nom malgache de Tananarive, on comprendra aisément le jeu de mots et son implication olfactive.

Pourquoi ai-je publié ce début d’éditorial (dont je peux fournir l’intégralité à qui la souhaiterait) ?

D’abord pour le talent de l’auteur. Une « plume » cela se sent (sans jeu de mots, cette fois), cela se vit, cela se doit d’être reconnu. Derrière les bons mots, la tristesse d’humour signe la valeur de l’homme. Double raison pour que Lettropolis y apporte son soutien.

Ensuite pour le fond : Sylvain Ranjalahy a bien de la chance de vivre et d’écrire à Madagascar. Enfin, je l’espère pour lui et son pays, malgré un passé récent assez « heurté ». N’ose-t-il pas affirmer une vérité intolérable en France, qui ne manquerait pas de lui valoir les foudres des bien-pensants, notre président de Repentance en tête ? Que conclure donc de cette « illustration du recul enregistré depuis 1960 et de l’avancée inexorable de la pauvreté » sinon que la colonisation hystériquement et officiellement vilipendée par une France qui s’auto-mutile chaque jour davantage a apporté quelques améliorations dans le monde… du temps où notre pays était fier de soi ?

Ne tombons pas dans l’angélisme béta et béat : rien n’est ni ne fut jamais parfait. Plus important encore, mettons à la poubelle « l’angélisme » de gauche qui pilonne que tout sera un jour parfait… et gratuit… et égalitaire… et juste… et… Ce programme de salubrité personnelle passe par l’expression claire des réalités. L’éditorialiste malgache note que l’organisme qui gère le ramassage des ordures  emploie « des gens sans la moindre protection élémentaire pour faire ce métier dégradant. Ils opèrent à mains nues, sans gants ni masques, sans bottes non plus. Une situation qui n’offusque pas les organismes qui luttent soi-disant contre le non-respect des droits humains. » Étonnant comme on retrouve les mêmes « oublis », la même cécité des donneurs de leçons professionnels, toujours marqués à gauche, bien entendu !

L’éditorialiste va plus loin : il s’exprime sur la situation générale : « L’inertie, voire l’indifférence de l’État, prouve bel et bien qu’il ne se soucie guère des préoccupations de la population. Il est visiblement inconscient de la gravité de la situation. […] Le ramassage des ordures […] pourquoi ne pas l’inclure dans le Projet Haute Intensité de Main d’œuvre en proposant un kilo d’ordures ramassées contre un kilo de riz ? [Ah ! les projets gouvernementaux à répétition, ici comme ailleurs !]

Et enfin : « Les fait est qu’aucun problème ne trouve de solution. Plus on attend, plus on laisse pourrir la situation, le cocktail risque d’être explosif avec le délestage, les ordures, l’état des rues, le prix du transport, le prix du carburant, les grèves sociales, l’insécurité…

Alors, pourquoi avoir repris cette information malgache dans le blog de Lettropolis ? Tout simplement parce qu’on y « sent » tellement de proximité avec la situation de la France d’aujourd’hui, parce que le hasard (qui n’existe pas) a voulu que je reçoive le poulet de Pierre Lours juste avant l’éditorial de Sylvain Ranjalahy et que l’un et l’autre, finalement, parlent des mêmes causes et des mêmes effets : oui, pour reprendre l’excellent titre de L’Express de Madagascar : Les ordures « attaquent ». Et ça pue, mais pas seulement à Antananarivo.

Cet article est dans la catégorie 2 La littérature s'interroge, Lettropolis transmet mot(s) clef(s) , , , , . Signet permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.